Histoires de Faussaires

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HISTOIRES DE FAUSSAIRES…

Qu’est ce qu’un faux ?

Un faux est une imitation d’une œuvre originale qui n’est pas présentée comme une copie à l’identique mais une adaptation ou une transformation qui conserve les caractéristiques de l’œuvre avec éventuellement une signature apposée dans une intention frauduleuse. Le faux peut être aussi une œuvre originale dont on essaie d’attribuer la paternité à un artiste qui n’en est pas l’auteur. Voici quelques exemples de faussaires qui ont tous été des plus brillants et inventifs et qui ont tous en commun une personnalité, un talent mais aussi une productivité exceptionnelle.

HansVan Meegeren (1889-1947)

faussaire art
Van Meegeren 1945 ©Photographer Koos Raucamp, Copyrighted free use, via Wikimedia Commons

Peut-être que la falsification la plus étonnante est celle du peintre Néerlandais Hans Van Meegeren. Comme ses œuvres originales ne sont pas appréciées par la critique, il décide de se venger en produisant des faux. Pendant six ans, il assimile les techniques, styles et couleurs de peintres connus tels Frans Hals ou Peter de Hooch, se plongeant même dans leur biographie pour connaître les outils et recettes de peinture utilisés dans la confection des plus grands chefs d’œuvre. Ses reproductions sont si bien exécutées que même les meilleurs critiques d’art ne peuvent faire la différence entre les faux et les originaux.

Van Meegeren développe un attachement particulier à l’œuvre de Vermeer, un peintre assez mal connu à l’époque, dont les toiles commencent tout juste à intéresser les critiques. Parmi ses premiers faux, Van Meegeren en produit deux, inspirés de Johannes Vermeer : Femme lisant de la musique (1934), et Femme jouant de la musique (1935-36). En effet Vermeer ayant été longtemps oublié, son corpus authentifié n’est pas très important. L’idée géniale de Van Meegeren c’est qu’il réalise des tableaux bibliques qui correspondent à l’attente des experts, notamment D’Abraham Brédius l’un des meilleurs spécialistes de la peinture hollandaise du siècle d’or et qui est persuadé que Vermeer a réalisé des scènes religieuses. En 1937, Brédius authentifie formellement « Les disciples d’Emmaüs » qui est acheté très cher par le musée Boimans de Rotterdam. De plus, Van Meegeren avait réussi à rendre un caractère de vétusté, en intégrant dans sa peinture, des paillettes de vernis du XVIIème.

Alors quand pendant la seconde guerre mondiale on découvre cinq autres Vermeer bibliques qui ressemblent aux disciples d’Emmaüs, les experts n’ont aucun mal à les identifier. Ils sont achetés très chers par des collectionneurs dont un « Le christ et la femme adultère »  par Herman Göring.

Après la guerre Han Van Meegeren est accusé d’avoir vendu un trésor national à un nazi. Arrêté, il passe rapidement aux aveux, mais malgré ses révélations sur les recettes de vieillissement accéléré, il doit, pour prouver ses dires, réitérer son exploit. Il est donc placé en résidence surveillée et peint « Le Christ au temple ».

Il est condamné à seulement un an de prison pour avoir spolié entre 25 et 30 millions de dollars, mais il meurt quelques jours après le verdict !

Elmyr de Hory et Fernand Legros

Elmyr de Hory, né en 1906, rescapé des camps Nazis et venant d’une modeste famille hongroise, est devenu un des plus grands faussaires du 20ème siècle. Il a réalisé des quantités ahurissantes de très bons pastiches, à une époque où il y avait encore peu de catalogues raisonnés. 

elmyr de hory
« Elmyr de Hory » by Arxiu del So i de la Imatge de Mallorca is licensed under CC BY-NC-ND 2.0

 

Pour écouler ses tableaux, il s’est associé à Fernand Legros, marchand d’art, considéré comme l’un des plus grands escrocs du genre. Il avait imaginé un stratagème pour écouler de faux tableaux aux Etats Unis : il fit courir la rumeur qu’un marchand transportait des œuvres authentiques en les faisant passer pour des copies afin d’échapper aux taxes. Il maquilla ensuite les faux tableaux d’Elmyr de Hory en faisant apposer des signatures inconnues sur des signatures prestigieuses, et passa la frontière avec sa cargaison. Les douaniers Américains saisirent les tableaux, les étudièrent et les authentifièrent. Fernand Legros eu une amende mais repartit avec des chefs-d’œuvre certifiés originaux.

Elmyr échappa plusieurs fois à la prison. Il habita à Ibiza où il devint une célébrité dans les années 70, un documentaire a même été réalisé sur lui à cette époque. Legros fut finalement arrêté et fit plusieurs années de prison. La justice française demanda l’extradition d’Elmyr de Hory pour qu’il soit jugé dans l’affaire Legros à laquelle il était associé. Sur le point d’être livré à la police française, de Hory avala une dose mortelle de somnifères.

Mark A. Landis, peintre et faussaire américain né en 1955

Mark Landis diagnostiqué comme schizophrène jeune a offert pendant plus de 20 ans à des musées américains une foule de faux tableaux attribués à des peintres célèbres. Il choisissait des musées pas trop importants qui n’avaient pas les moyens de faire des analyses systématiques.
Il s’est trahi en offrant deux fois le même faux tableau de Signac mais n’ayant jamais tiré profit de ses donations, aucun musée n’a jugé utile de le poursuivre.

Cf. le documentaire américain Le Faussaire sorti en 2014

Wolfgang Beltracchi peintre et faussaire allemand né en 1951

Wolfgang Beltracchi n’a pas seulement reproduit des toiles de grands maîtres, il en a créé de toutes pièces abusant experts et collectionneurs et amassant une petite fortune (au minimum 16 millions d’euros et sans doute encore plus) placée dans des dizaines de comptes bancaires. Sa femme et lui roulaient en Jaguar, fréquentaient les plus beaux palaces du globe quand ils ne profitaient pas de leurs superbes villas ou de leur yatch. Son père, modeste restaurateur de tableaux d’église pour arrondir ses fins de mois, reproduisait des Rembrandt ou des Picasso qu’il vendait ensuite en tant que copies de maître. Adulte, Wolfgang Beltracchi ne tarda pas à marcher dans les pas de son père. Mais à la différence de celui-ci, les toiles qu’il se mit à exécuter à son tour avec brio, étaient présentées comme des originaux sur les marchés aux puces où il allait les vendre le dimanche.

 L’intelligence manipulatrice de Beltracchi, tout à la fois méticuleuse et audacieuse, l’avait poussé à mettre au point un scénario romanesque. Avec son épouse, il monte une escroquerie estimée à plusieurs dizaines de millions. Lui repère dans les catalogues raisonnés d’artistes modernes, des œuvres considérées comme disparues et les recrée. Son épouse prétend avoir fait un héritage et pose au milieu de toiles censées avoir appartenu à sa grand-mère mais qui, en réalité, sont peintes par son époux. Ainsi avec cette photographie et d’autres faux documents elle obtient auprès des experts des certificats d’authenticité.

Beltracchi prenait bien soin de passer les tableaux au four pour obtenir des craquelures et d’utiliser des toiles et des cadres d’époque mais il a malgré tout été démasqué à cause de l’utilisation d’un pigment anachronique.

Guy Ribes peintre et faussaire français né en 1940

Pendant plus de 20 ans, il inonde le marché de faux Picasso Chagall, Dufy Léger . … On estime à 1000 ou 2000 faux dans la nature avec notamment 300 ou 400 gouaches de Chagall !

Sa technique : il peint « à la manière de », ainsi avec 2 ou 3 œuvres, il en fait une ! Il utilise lui aussi des supports d’époque. Il achète des gravures des années 50 et utilise la vitre et le carton avec la poussière d’époque et au bout de quelques mois la gouache se mélange à la poussière. Il va même jusqu’à créer des marques d’anciens cadres sur le pourtour des toiles.

Il travaille pour un important éditeur Léon Amiel, ami de Miro Chagall Picasso Dali qui authentifie et donne de la crédibilité à ses tableaux.

Une anecdote parmi d’autres : un rabbin va voir madame Chagall avec un tableau appartenant soi-disant à la communauté, elle rédige aussitôt un certificat d’authenticité et le tableau est vendu plusieurs millions d’euros par un grand marchand. Comme Beltracchi, il a été arrêté pour une petite erreur, une peinture vinylique sur un tableau de Fernand Léger !

L’accueil réservé aux faux au cours des âges fut très variable et ce n’est que tardivement qu’ils ont été considérés comme des fraudes. Aujourd’hui, c’est l’OCBC (Office Central de lutte contre le trafic de Biens Culturels) qui est chargé de la répression de la contrefaçon artistique. En effet, les affaires de faux se succèdent jetant un discrédit sur le marché de l’art où la valeur d’une œuvre est liée à un nom.

Néanmoins dans toutes ces histoires, les faussaires sont très souvent entourés de galeristes, de marchands d’art, et même d’ayants-droits et d’experts consentants, qui tirent tous de grands profits de ces trafics. On estime actuellement à 30% la proportion de faux dans le marché de l’art !

Pour aller plus loin...

 

Proposition de lecture : Confession d’un faussaire, La face cachée du marché de l’art, d’Eric Piedoie Le Tiec

Faussaire de Toulouse-Lautrec, Chagall, Miro et surtout César, Eric Piedoie Le Tiec retiré des affaires revient sur son parcours flamboyant dans un livre édifiant qui vient de paraître. Nous l’avons lu et toujours étonnées de voir à quel point le marché de l’art est corrompu, nous avons eu envie dans l’article ci-dessus de revenir sur des histoires souvent rocambolesques de faussaires qui ont marqué leur époque.

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