Extrait de la Newsletter de Juin 2021. Vous souhaitez la recevoir par mail ? Adhérez à Muses & A.R.T. !
Ou demandez-la gratuitement via notre formulaire de contact !
La valeur des œuvres rentoilées
Aujourd’hui amateurs et professionnels sont soucieux de la conservation de leur patrimoine… et l’état de conservation est un critère essentiel à l’achat… Si l’acte de rentoilage est une opération de conservation, celui-ci fait souvent perdre de la valeur à l’œuvre.
Pourquoi ?
Le rentoilage est une technique délicate préconisée lorsque l’œuvre présente des altérations de la couche picturale combinées à une déficience du support textile. Il consiste à poser une nouvelle toile ou plusieurs au dos du support original à l’aide d’un adhésif qui pénètre les différentes strates du tableau en régénérant l’encollage, le gesso et la couche colorée.
L’adhésif est à base de préparations animales, résines et cires ou résines synthétiques. Les opérations peuvent se faire à froid, à chaud avec un fer ou une table à basse pression.
Les premiers rentoilages dateraient du XVIIe siècle dans les Flandres mais les Italiens comme les Français revendiquent la paternité de la technique du rentoilage. A chaque pays ses recettes, la cire dans le Nord, la colle de pâte ou colletta (à base de farine de seigle, de froment et de colles animales) en France et en Italie. A partir du XVIIIe siècle, les ateliers de restauration préconisent la technique du rentoilage pour de nombreux tableaux et surtout pour de trop nombreuses pathologies. Et c’est là que réside la problématique de l’usage du rentoilage. Il était alors d’usage de rentoiler un tableau pour l’agrandir, le rétrécir… occasionnant ainsi des modifications significatives sur l’œuvre. Avec nos connaissances actuelles et une déontologie visant le respect de l’intégrité physique et esthétique de l’œuvre originale, le rentoilage est aujourd’hui une mesure de conservation qui est réalisée lorsque les altérations d’adhésion et de cohésion ne peuvent être traitées par des mesures autres comme les refixages par exemple.
En conséquence, une œuvre ayant fait l’objet d’un rentoilage suscite chez le professionnel de l’art un sentiment de doute quant à sa facture, et l’on assiste souvent à une véritable remise en cause de son authenticité. Certes, des examens sont possibles et les rayons ultraviolets permettent de dépister les adjonctions, les repeints qui ont pu modifier l’aspect et le sujet cherchant ainsi à séduire le spectateur au détriment de la vérité esthétique. Toutefois, lorsque les repeints sont importants, il est difficile de se prononcer sur la qualité de la couche colorée d’origine. Seul l’acte de dérestauration permettra de redonner la lisibilité de l’œuvre restante.
Vous comprenez ainsi qu’un rentoilage a de fortes chances d’être considéré comme abusif puisqu’il trouvait sa raison d’être dans une déchirure, des tranches abîmées, une simple déformation ou une modification de format pour des raisons décoratives. Autant d’altérations que nous savons aujourd’hui traiter sans passer par le rentoilage qui, rappelons-le, est une opération difficile qui demande méthode et technique car il peut induire comme le montrent de nombreuses œuvres rentoilées, des écrasements de matière (avec les fers de rentoilage), des tonalités assombries lorsque l’adhésif est cireux… sans oublier les rentoilages actuels qui, s’ils ont de nombreux avantages dans leur mise en œuvre, présentent souvent l’inconvénient d’une absence de réversibilité. Malgré tout, le rentoilage est un traitement conservatoire qui garde toute sa légitimité en cas de pathologies lourdes.
Paradoxalement, le marché de l’art comme les collectionneurs ne s’intéressent qu’aux œuvres d’art non restaurées pour les raisons évoquées ci-dessus, alors que doit-on en conclure ?
Nous savons qu’une restauration a un impact sur la valeur d’un tableau classique mais les opérations de conservation ne diminueront pas forcément la valeur de l’œuvre si la restauration n’affecte pas l’apparence, la structure et l’intégrité… Les interventions doivent donc résulter d’un constat d’état précis des constituants de l’œuvre qui peuvent amener le conservateur-restaurateur à préconiser le retrait d’un ancien rentoilage… Pour le grand plaisir du collectionneur ! Et d’une valeur marchande retrouvée !