Regards sur...
Interventions de Conservation et de Restauration sur le portrait du Dauphin, H/T du XVIIIe siècle des ateliers Van Loo, appartenant aux collections du Château de Saint-Bonnet-les-Oules dans la Loire
Muses & A.R.T. a été contactée par Mme de Rocquigny, propriétaire du château de Saint-Bonnet-les-Oules dans la Loire au sujet de plusieurs tableaux. Dans le grand salon du château se trouvent six portraits, dont quatre proviennent de l’atelier de Louis-Michel Van Loo. Ces derniers tableaux, dont le portrait du Dauphin qui fait l’objet de ce dossier, étaient déjà présents dans le château lors de son achat en 1782. Ils font partie historique des lieux.
Il s’agit là d’un portrait officiel représentant le Dauphin Louis de France, fils de Louis XV, et père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Il était d’usage pour toutes les familles nobles au XVIII° siècle de posséder des portraits royaux et de les présenter dans leurs châteaux. Ce portrait réalisé par l’atelier Van Loo (1707-1771) a été volé au château de Saint-Bonnet-les-Oules en 1972 avec le portrait de Louis XV, et a subi des dommages. Il a été retrouvé et reconnu par un conservateur-restaurateur de Saint Etienne qui a lui-même réalisé les travaux de restauration, mais ses interventions non déontologiques ont défiguré le visage du Dauphin et fragilisé l’œuvre.
FICHE D’IDENTITE
Objet : Huile sur toile
Sujet : Portrait du Dauphin Louis de France, père de Louis XVI
Technique : Huile
Nature du support : Toile de lin tendue sur châssis en bois tendre
Signature : non signé – estimé atelier de Van Loo
Époque : XVIII ème siècle
Dimensions : 81×65 cm
Anciennes interventions de Restauration : Oui – ateliers du Père Galo
Lieu de conservation : Château de Saint-Bonnet-les-Oules (Loire, 42)
Date d’examen : 09 mars 2020
Description des constituants
- Toile de lin d’origine et en bon état
- Châssis rudimentaire, fixe et non chanfreiné
- Préparation blanche et oléagineuse
- Couche colorée d’origine à l’huile, presque en totalité recouverte par des repeints et donc inaccessible au premier examen
- Plusieurs couches de vernis différent, dont la dernière appliquée lors de la dernière restauration
Altérations constatées
- Soulèvements de couche picturale généralisés en toit avec pertes de matière (dus aux interventions abusives de la précédente restauration provoquant trop d’écarts de traction)
- Lacunes de couche picturale
- Repeints – retouches d’une ancienne intervention de restauration, ici débordants et recouvrant presque la totalité de la peinture d’origine
- Vernis oxydé
Déroulement des Travaux
Victime d’une ancienne intervention de restauration abusive, le visage du sujet entièrement repeint était méconnaissable, tandis que la couche colorée d’origine, fragilisée, se soulevait, menace d’une perte irrémédiable de matière picturale.
De nombreux soulèvements de la couche picturale menaçaient la bonne conservation du tableau et sa pérennité. L’œuvre en péril nécessitait des actes de conservation urgents et indispensables pour prévenir le risque supplémentaire de perte de matière et ainsi redonner son unité à l’ensemble de l’œuvre.
Le message historique de l’œuvre était altéré par les repeints abusifs qui recouvraient la totalité de l’œuvre, la facture de l’artiste était perdue.
La première opération réalisée sur site a consisté à voiler la peinture à l’aide d’un papier et d’un adhésif résistant aux contraintes mécaniques. Ce voilage a permis d’assurer la protection de l’œuvre durant le transport et d’éviter la perte de matière picturale. S’en est suivi à l’atelier professionnel, le refixage total de la couche picturale pour renforcer l’adhérence de celle-ci au support toile, refixer et remettre à plat les soulèvements d’écailles et éviter toute perte de matière lors des travaux de restauration à suivre. Le refixage est réalisé avec un adhésif synthétique réactivé à chaud. Le décrassage arrière de la toile a permis ensuite le retrait des poussières et scrupules qui peuvent, à terme, attaquer la cellulose des fibres du textile.
A l’issu des interventions conservatoires qui ont stabilisé la peinture, les opérations dites de restauration ont pu alors être abordées. Le vernis oxydé a ainsi été allégé en procédant à l’amincissement de ses couches superficielles. Dans le même temps, les repeints largement débordants ont été retirés. Cette opération longue a permis de révéler les anciennes altérations de la couche picturale d’origine très lacunaire, et également de retrouver le dessin et tonalités originels de l’œuvre. Le regard d’origine du Dauphin encore en grande partie intact est mis en lumière, les traits de son visage gagnent en finesse et en clarté, et sa coiffure retrouve sa structure initiale.
Le masticage des zones lacunaires a permis ensuite, par l’apport d’une pâte synthétique, de combler les manques de matière picturale et d’apporter une continuité de structure avec la couche picturale avoisinant ces lacunes. Certains anciens mastics correctement intégrés ont été conservés localement. La réintégration colorée des parties lacunaires a pu suivre : elle permet la lisibilité de l’œuvre et participe à un rendu « esthétique ». La retouche est illusionniste pour une meilleure intégration visuelle.
L’application d’un vernis final protecteur est venu clore notre intervention dans un but conservatoire et esthétique. A base de résine synthétiques et d’essence, Il garantit à l’œuvre une transparence et une protection contre les agressions environnementales.
Démarrée au printemps 2020, la restauration de l’œuvre s’est achevée en mai 2023.
Elle a nécessité plus de 200 heures de travail.
