Une « brève » histoire du Mécénat Artistique

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[Informations tirées essentiellement d’Encyclopedia Universalis et du livre Le Mécénat de François Debiesse (Cf. Sources).]

« Le mécénat désigne le fait d’aider et peut être par la suite de promouvoir des arts et des lettres par des commandes ou des aides financières privées »

(définition Wikipédia)

« Le mécénat désigne le fait d’aider et peut être par la suite de promouvoir des arts et des lettres par des commandes ou des aides financières privées »

(définition Wikipédia)

« Mécène : Personne fortunée qui, par souci de favoriser le développement des lettres, des arts et des sciences, aide ceux qui les cultivent en leur procurant des moyens financiers ou des travaux, éventuellement en instituant et finançant des prix. »

(définition Cntrl.fr)

« Mécène : Personne fortunée qui, par souci de favoriser le développement des lettres, des arts et des sciences, aide ceux qui les cultivent en leur procurant des moyens financiers ou des travaux, éventuellement en instituant et finançant des prix. »

(définition Cntrl.fr)

Le mécénat a façonné le monde de l’Art depuis l’Antiquité. Protecteurs des artistes, tour à tour riches commanditaires ou simples amoureux des arts et des lettres, les mécènes ont de tous temps encouragé de leur richesse et influencé l’Art à s’épanouir au sein de nos sociétés.

Nous allons esquisser ici une histoire sommaire du mécénat artistique étendue sur près de 2500 ans, au travers d’illustres personnages, de Périclès à Peggy Guggenheim en passant par Charlemagne, Isabelle de Bavière ou encore les Médicis, personnalités hautes en couleur qui ont marqué l’histoire de l’art occidental et celle de leur époque.

Aux origines…

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Buste supposé de Maecenas, 70-8 av JC, Coole Park, Co. Galway, Ireland (Cgheyne, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons)

« Mécène, issu d’aïeux rois, ô toi mon appui et ma douce gloire […] si tu me donnes une place parmi les lyriques inspirés, j’irai, au haut des airs, toucher les astres de ma tête. »

(Horace, Odes, I, 1 ; Traduction de François Villeneuve, Les Belles Lettres, 2002)

« Caius Cilnius Maecenas ». Trois mots pour un grand nom de la Rome Antique francisé en « Mécène ». De là provient l’origine des noms communs mécène et mécénat.

Alors qui était ce grand personnage souvent méconnu du grand public ?

Nous sommes en pleine guerre civile dans le milieu du 1er siècle avant J-C, dans la période troublée du Triumvirat romain, après l’assassinat de César. Personnalité politique, chevalier et homme de grande diplomatie et de grande richesse, Mécène fait preuve d’une forte influence auprès de son ami Octave avant que celui-ci ne devienne l’Empereur Auguste. Il joue un rôle politique important en aidant Octave à fonder son Empire et à restaurer la République. Là se taisent nos sources officielles de l’époque sur sa vie politique. Mécène rejette les honneurs et ne deviendra jamais sénateur sous l’empire d’Auguste malgré son pouvoir. Il choisira de rester dans l’ombre tout en continuant de manifester son influence auprès du nouvel Empereur et de sa dynastie.

Ce qui a fait le prestige de Mécène dans les mémoires, c’est surtout son amour des arts et des lettres, et la protection qu’il aura notamment accordée à d’illustres poètes. Nos sources en la matière, Virgile, Horace et Properce qui, dans leurs textes, faisaient souvent l’éloge de leur protecteur sans contrepartie. Mécène recevait poètes et musiciens dans ses jardins lors de riches banquets que ne manqueront pas de relater nos auteurs. Aucune propagande autour du règne d’Octave puis d’Auguste ou de la vie politique et militaire de son temps n’était imposée à ces hommes de lettres, ces amis dont il encourageait les chants. Mécène aimait et soutenait les poètes et leur laissait pleine liberté dans leur art.

Les premiers mécènes…

La création artistique vue comme une « symbole du pouvoir et du culte » a donné naissance aux premiers mécènes parmi les rois et les prêtres.

En Égypte antique déjà, la construction des pyramides reflète la puissance des pharaons. En Grèce, l’art devient symbole de la grandeur des « tyrans éclairés » de l’époque, au détriment de l’artiste, simple artisan anonyme, tel que pour le « siècle de Périclès » (Ve s. av JC) qui voit naître notamment l’Acropole et le Parthénon d’Athènes. Les premières collections d’objets précieux, des « trésors » (premiers ex-voto…), sont retrouvées dans les temples antiques comme à Olympe et Delphes aux Ve et IVe siècles avant notre ère.

Ptolémée, devenu roi, ancien général d’Alexandre Le Grand (lui-même grand mécène), est à l’origine de la construction du Mouséion, université gratuite pour érudits, et de la célèbre Bibliothèque d’Alexandrie en 288 avant JC, deux œuvres marquantes de la période hellénistique. Les premières collections privées de statues et de bronzes, et même les premières pinacothèques privées (galeries de tableaux) naissent à Rome à la suite des pillages de guerres dès le IIIe siècle avant J-C. Les Empereurs romains eux-aussi, tel Auguste et Néron, se font mécènes aux travers de grandes constructions asseyant leur domination.

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Alexandre (en Arès) épousant Stateira (en Aphrodite) en 324 av JC, mosaïque trouvée à Pompéi, musée archéologique de Naples (Public domain, via Wikimedia Commons)

Si le mécénat tel qu’on l’entend aujourd’hui concerne à l’époque surtout poètes et écrivains, les artistes n’ayant que le statut d’artisans anonymes, les dirigeants de l’Antiquité laissent derrière eux, par le biais de ces créateurs sans noms, une collection d’objets d’art et des édifices majestueux faits en leurs noms.

Un mécénat religieux… et laïc !

Au début du Moyen-Age, avec l’arrivée du Christianisme, l’art païen dit « criminel » est attaqué et l’on déplore une grande perte du patrimoine artistique de l’Antiquité.

Tandis que l’art profane disparaît, un nouvel art chrétien se développe avec le « culte des images sacrées ». Mécénat privé et collections individuelles disparaissent au profit d’un mécénat religieux. Les œuvres d’art sont créées par les religieux eux-mêmes et sont réunies dans les églises et monastères (manuscrits enluminés, ex-voto…). Les moines se font bâtisseurs tels les Bénédictins au XIe siècle et les Cisterciens au XIIe.

Parmi les grands mécènes de l’époque, on peut citer l’abbé Didier du Mont Cassin en Italie (1023-1087), futur pape Victor III, qui promeut la copie de manuscrits et l’enluminure, notamment par l’importation de manuscrits miniaturés d’Orient. On retient également l’abbé Suger de Saint-Denis (1081-1151), l’un des précurseurs du nouvel art gothique dont la célèbre abbaye dite « de Saint-Denis » et ses innovations nombreuses (architecture orfèvrerie, vitraux…) deviennent le modèle.

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Le Christ en Majesté, enluminure extraite de l'Evangéliaire dit de Godescalc ou de Charlemagne (Bibliothèque nationale de France, Public domain, via Wikimedia Commons)

Les souverains eux-aussi se font mécènes des arts. Parmi eux l’Empereur Charlemagne, protecteur des Arts et des Lettres, et à l’origine de la « renaissance ou réforme carolingienne » (768-877), où culture et études sont mises à l’honneur. Outre un amour de l’art certain, là encore vénalité, ambition et impérialisme animent le cœur de nos nouveaux mécènes. Et courtisans et chevaliers suivent bientôt le modèle de leurs souverains.

A l’époque gothique, en plus de celui des religieux et des rois, un mécénat plus laïc et bourgeois apparaît avec notamment la construction et l’ornementation luxueuse de châteaux, palais et autres demeures. Giotto (1266/67-1337), voit parmi ses commanditaires de riches familles de banquiers italiens comme les Peruzzi ou les Bardis, pour qui il réalisent notamment des séries de fresques dans leur chapelle respective de la Basilique Santa Croce de Florence. Les collections privées renaissent avec une esthétique nouvelle, comme celles du Duc de Bourgogne (Philippe II Le Hardi, 1348-1404) et celles de son frère le Duc Jean de Berry (1340-1416), constituées d’abord par passion et pour leur propre plaisir personnel.

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Giotto di Bondone, Vision de saint Jean à Patmos, scène d'un cycle de fresques consacré à St Jean l'évangéliste, Chapelle Peruzzi, Basilique Santa Croce de Florence (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Giotto di Bondone, La Renonciation à l'héritage paternel, scène d'un cycle de fresques consacré à La Vie de St François, Chapelle Bardi, Basilique Santa Croce de Florence , (Public domain, via Wikimedia Commons)

Le faste des Princes… et des princesses !

Le mécénat des princesses médiévales et de leurs descendantes

[Les informations de cette sous-partie sont tirées du livre « La Dame de Cœur », Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l’Europe des XIVe-XVIIe siècles, (Cf. Sources)]

Si les historiens du mécénat ont souvent été timides concernant l’existence de femmes mécènes, celles-ci ne manquent pourtant pas ! Le XXIe siècle tend à les réhabiliter et nombre de textes aujourd’hui les cite en exemple. On peut retracer l’influence des femmes mécènes au moins jusqu’à la fin du Moyen-âge (XIIIe-XIVe siècles) où la révolution documentaire qui eut lieu nous offre aujourd’hui de nombreuses sources écrites en témoin, comme des inventaires de collections mais aussi des rapports comptables décrivant notamment les achats réalisés par les rois, les princes… et les reines !

« Ces princesses sans souveraineté efficiente ne sont ni sans pouvoir, ni sans ambition, et leur capacité à valoriser leurs apports dans l’affirmation dynastique des pratiques de mécénat et de dévotion en porte témoignage. »

(Fanny Cosandey, dans « La dame de cœur », Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l’Europe des XIVe-XVIIe siècles, 2016)

« Ces princesses sans souveraineté efficiente ne sont ni sans pouvoir, ni sans ambition, et leur capacité à valoriser leurs apports dans l’affirmation dynastique des pratiques de mécénat et de dévotion en porte témoignage. »

(Fanny Cosandey, dans « La dame de cœur », Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l’Europe des XIVe-XVIIe siècles, 2016)

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Charlotte de Savoie, détail du volet droit d'un diptyque de dévotion représentant l'Adoration des bergers avec Charlotte de Savoie et saint François, anonyme, école de Savoie, c.1472 (Public domain, via Wikimedia Commons)

Les reines consorts bénéficient d’un pouvoir certes limité de par leur condition de femmes mais n’en sont pas moins influentes dans certains domaines comme le patronage religieux et le mécénat. On parle alors plutôt de « complémentarité des pouvoirs » avec le roi. « Patronnes des Arts et des Lettres », elles se font commanditaires auprès des artistes/artisans et permettent l’acquisition de nombreuses œuvres artistiques (retables, tableaux, pièces d’orfèvrerie…), littéraires et religieuses, mais aussi architecturales. Leur piété et leur charité, qui se doivent d’être exemplaires, les engagent dans une dimension à la fois théologique et politique à fonder églises, couvents, monastères et hôpitaux. Grandes lectrices cultivées, elles encouragent la création littéraire et la traduction de manuscrits anciens ou leur copie, et créent des bibliothèques, comme celle importante de Charlotte de Savoie (1441-1483) à Bourges dotée notamment de quelques ouvrages commandés à l’enlumineur Jean Colombe.

En tant que « gardiennes de mémoire », elles sont responsables du « salut de l’âme et de leurs parents et de leurs époux ». A cet effet, elles enrichissent le patrimoine funéraire de commandes artistiques les mettant par exemple en scène elles et leurs défunts proches. Ainsi Jeanne d’Evreux (1310-1371) fut-elle l’une des premières à se faire représenter en 1353, avec son époux décédé le roi capétien Charles IV, en statues sur le portail d’une église, celle des Grands Carmes à Paris dont elle avait partiellement financé la construction (aujourd’hui disparue). Pour Mahaut d’Artois (1269/70-1329), commander des tombeaux somptueux contribue à la glorification des défunts mais aussi à celle de la dynastie capétienne en plus de légitimer sa filiation, dans une volonté religieuse et politique.

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Folio 53 du bréviaire de Jeanne d'Evreux, Roi fabriquant des cloches, (commandé par la reine à un suiveur de Jean Pucelle dans la conformité de l'ordre des Franciscain avant 1371), Collections du musée Condé à Chantilly (Public domain, via Wikimedia Commons)

L’un des modes d’expression privilégié du patronage religieux de la reine est à travers sa chapelle. Comme le roi et les autres Grands princes régnants de l’époque médiévale, les reines, princesses, duchesses…, ont chacune leur « hôtel » ou « maison » autonome qui constitue tout leur entourage officiel, de leur cour personnelle aux membres administrant les différents métiers (cuisine, échansonnerie, écurie…) et chambres, dont la Chapelle. La « Chapelle de la reine », à l’effigie de celle du roi mais d’une taille moindre, est tout à la fois un espace géographique au sein du Palais, l’ensemble des clercs entourant la reine, mais aussi tous les objets constituant le « trésor sacré » (orfèvrerie, tapisserie, livres, objets et vêtements liturgiques, reliquaires…). Créée pour les besoins de la Cour et exposée à tous les regards, la chapelle devient « la mise en scène publique d’une dévotion privée ».

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Isabelle (Isabeau) de Bavière recevant de Christine de Pizan La Cité des dames, miniature tirée d'un parchemin, British Library, Harley 4431 fo 3, vers 1410-1414 (Public domain, via Wikimedia Commons)

Les sources écrites royales entourant la chapelle d’Isabelle de Bavière (1370-1435) nous offrent aujourd’hui un bel exemple sur le fonctionnement d’une chapelle féminine. Isabelle de Bavière est connue injustement à travers les siècles sous le prénom « Isabeau », « surnom familier et dépréciatif » visant à décrédibiliser la reine et apparu pour la première fois sous la plume d’un chroniqueur du tout début du XVe siècle. Dès 1393, lors des crises de folie de son époux le roi Charles VI dit « Le Fou », pouvoir et autonomie financière lui sont octroyés, ainsi qu’une place certaine dans les archives royales. Sa chapelle s’orne d’objets et de couleurs luxueuses dans un faste qui supplante celle du roi et fait d’elle l’une des plus marquantes d’occident, contribuant ainsi à la « légende noire » de la reine. C’est une des premières également à accueillir une « chapelle musicale » où se joue de la musique polyphonique célèbre entourée des meilleurs chanteurs. On retrouvera notamment dans les sources comptables l’achat de plusieurs orgues pour équiper sa chapelle. Marie d’Anjou (1404-1464) et Anne de Bretagne (1477-1514) suivront son exemple symphonique.

La reine se veut modèle de chrétienté, un modèle à imiter par ses sujets. La chapelle, qui sert notamment à la célébration de la messe, devient itinérante et suit la reine dans ses nombreux déplacements sous la forme d’un oratoire portatif. Elle est alors montrée, mettant en scène le prestige de la souveraine et invitant l’exemple.

Et c’est par ces femmes que passe la mémoire de certains saints. Anne de Bretagne (1477-1514) est représentée dans son livre d’heures avec trois saints dont St-Ursule dont elle encourage le culte. Les reines de France descendantes de Louis IX (1214-1270), canonisé Saint-Louis en 1297, sont à l’origine du « culte de Saint-Louis ». Ainsi Mahaut d’Artois, sa petite nièce, contribuera comme lui à la protection des ordres Mendiants par la fondation de couvents notamment et par des legs, mais aussi à la diffusion de la mémoire du roi saint dont elle est l’une des rares, avec Jeanne d’Evreux, à détenir des reliques. Elle créera des objets liturgiques en son honneur, lui consacrera un Livre d’Heures… Clémence de Hongrie (1293-1328), descendante du roi de Hongrie et de la lignée des Habsbourg, a été élevée à Naples. En épousant le roi Louis X Le Hutin, arrière-petit-fils de Saint Louis, elle devient reine de France et participe, elle aussi, à la diffusion du culte.

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La reine Anne de Bretagne entre Ste Anne, Ste Ursule et Ste Hélène, extrait Grandes Heures d'Anne de Bretagne (F.3r), Jean Bourdichon, 1503-1508 (Public domain, via Wikimedia Commons)

Le culte de Saint-Louis franchit même les portes de l’Espagne. La figure de Saint Louis y est connue depuis le XIIIe siècle déjà, popularité renforcée par Charles Quint ensuite qui se prétend le digne successeur du roi saint, mais c’est surtout avec celles que l’on surnomme « les reines de paix » que le culte d’origine médiévale de Saint-Louis se développe dans la péninsule ibérique. Élisabeth de Valois (1545-1568) ou encore Isabelle de Bourbon (1602-1644) contribuèrent à la stabilité des relations politiques entre les monarchies françaises et hispaniques des XVIe et XVIIe siècles, à l’époque de la réforme catholique, et à la consolidation du lignage et du pouvoir à l’instar de leurs aînées. La royauté espagnole s’approprie au fil des siècles l’image de Saint-Louis dont le culte et la représentation imprègneront fortement la culture artistique hispanique (fondations pieuses, peintures, traductions de texte…).

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Portrait d'Elisabeth de Valois, reine consort d'Espagne, dit à la manière d’Alonso Sánchez Coello, ou d'après Antonio Moro, huile sur panneau bois, 2nde moitié du 16e s, Musée du Louvres (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Portrait d'Isabelle de Bourbon à cheval, reine consort d'Espagne et du Portugal, par Diego Velazquez, huile sur toile, c.1635, Musée du Prado (Public domain, via Wikimedia Commons)

Pour sa chapelle, Eléonore de Sicile (1325-1375), reine d’Aragon, fait appel à des artistes d’horizons variés qu’elle recrute auprès du Pape à Avignon ou de Ducs et Duchesses d’autres royaumes. De son voyage depuis la cour de Naples vers la France, Clémence de Hongrie ramènera les écrits de Dante et de Pétrarque.

Mariées à d’autres dynasties ou familles, les reines sont mobiles et font circuler, en plus de leur lignage royal et du modèle culturel dont elles sont issues, leur modèle de dévotion et de mécénat, ce à travers toute l’Europe.

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Gisant de Clémence de Hongrie (détail) dans la nécropole royale de la basilique de Saint-Denis (Acoma, CC BY 3.0 , via Wikimedia Commons)

Le Quattrocento italien

Les princes du Quattrocento italien ont marqué de leur faste et de leur influence l’histoire de l’art et celle du mécénat.

L’exemple le plus connus : les Medicis, riche famille protectrice des arts du passé mais aussi des arts nouveaux. Cosme tout d’abord mais surtout Laurent le Magnifique ont imprégné Florence et toute l’Italie de leur aura intellectuelle et de leur goût de l’esthétique.

Les princes mécènes se doivent de témoigner d’une activité intellectuelle et d’une culture artistique exemplaire. Parmi eux, on note aussi les Montefeltro à Urbino, tel Federico III qui était un grand ami des humanistes, ou encore les Este à Ferrare et les Visconti à Milan. Ils savaient s’entourer des meilleurs savants et « artistes » au sein de leurs palais seigneuriaux. A Rome on assiste à la naissance d’académies littéraires rassemblant les hommes cultivés de l’époque portées par de riches familles et des cardinaux influents.

« Il est difficile de savoir qui décide du succès d’un artiste, qui impose ses goûts et ses préférences aux autres commanditaires »

(Michel Hochmann, dans Peintres et commanditaires à Venise (1540-1628), Publications de l’École Française de Rome1992)

« Il est difficile de savoir qui décide du succès d’un artiste, qui impose ses goûts et ses préférences aux autres commanditaires »

(Michel Hochmann, dans Peintres et commanditaires à Venise (1540-1628), Publications de l’École Française de Rome1992)

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Laurent de Medicis, buste en terra-cota, 15e or 16e siècle, supposément basé sur une sculpture de cire réaliste de 1478 d'Andrea del Verrocchio et Orsino Benintendi (Public domain, via Wikimedia Commons)

Avec Laurent de Medicis et ses contemporains se déploie le rôle du commanditaire. Par le biais d’authentiques contrats signés, c’est lui qui finance et décide de la confection d’une œuvre d’art, de sa conception à sa finalité, de son sujet au choix des matériaux, comme celui des pigments de couleurs. Le bleu d’outremer, extrait du lapis-lazuli, pigment cher et convoité par les riches commanditaires, était souvent spécifié dans les contrats écrits pour éviter toute contrefaçon de moins bonne qualité.

« […] ce panneau devra être doré à l’or fin et peint avec des couleurs de qualité, et spécialement avec du bleu d’outremer […]. Et ledit Piero s’est engagé […] à le livrer entièrement assemblé et installé dans un délai de trois ans ; et à ce qu’aucun autre peintre que Piero lui-même ne puisse tenir le pinceau. »

(Extrait du contrat pour la commande de la Vierge de la Miséricorde de Piero della Francesca du 11 juin 1445, par le prieur Pietro Di Luca au nom de la confrérie de Santa Maria della Misericordia, cité par Michael Baxandall dans l’Œil du Quattrocento, p. 33-34, 2020)

« […] ce panneau devra être doré à l’or fin et peint avec des couleurs de qualité, et spécialement avec du bleu d’outremer […]. Et ledit Piero s’est engagé […] à le livrer entièrement assemblé et installé dans un délai de trois ans ; et à ce qu’aucun autre peintre que Piero lui-même ne puisse tenir le pinceau. »

(Extrait du contrat pour la commande de la Vierge de la Miséricorde de Piero della Francesca du 11 juin 1445, par le prieur Pietro Di Luca au nom de la confrérie de Santa Maria della Misericordia, cité par Michael Baxandall dans l’Œil du Quattrocento, p. 33-34, 2020)

Au coût de la noblesse des matériaux succèdera la valeur du savoir-faire, et les peintres notamment ne tarderont pas à se faire un nom parmi ces « nouveaux mécènes ». Au tout début du XVIe siècle, Leonard de Vinci, Raphaël ou encore Michel-Ange imposent leur « génie créateur » et prennent une part active dans la conception de leur art très prisé.

Le modèle du mécénat italien franchit les frontières et des souverains comme François Ier (1494-1547) ou Charles Quint (1500-1558) invitent de grands peintres italiens renommés dans leur propre cour. Leonard de Vinci sera ainsi invité à séjourner au Clos Lucé à la cour de François Ier du château d’Amboise.

Les rois louent les services d’artistes qui deviennent peintres officiels de la cour et que les reines utiliseront aussi à leur guise.

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Portrait d'Isabelle d'Este, dessin de Leonard de Vinci, c1499-1500, Musée du Louvre (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Giorgio Vasari, huile sur toile, Autoportrait ou possible Portrait par son entourage ou par Jacopo Zucchi, 1571-1574, Galerie des Offices, Florence (Public domain, via Wikimedia Commons)

Isabelle d’Este (1474-1539), de culture et d’éducation humaniste, appréciée de beaucoup de ses contemporains, est une des plus grandes figures du mécénat artistique de la Renaissance. La marquise de Mantoue est célèbre pour son Studiolo et sa Grotta, salles du Palazzo Ducale de Mantoue, réunissant ses collections d’œuvres d’art antique et moderne très riches en peinture, sculpture antique et contemporaine, marqueterie, pierres précieuses, monnaies anciennes… Elle se tournera pour ses commandes vers les artistes les plus prolifiques de son époque comme Giovanni Bellini, Giorgione, Leonardo da Vinci, Le Pérugin, Raphaël, Le Titien, Le Corrège, Giulio Romano, et bien sûr les peintres de cour Andrea Mantegna et Lorenzo Costa. Sa bibliothèque s’ornera de nombreux ouvrages imprimés par le grand Aldo Manuce.

L’histoire du mécénat sera également remarquablement marquée par Gorgio Vasari (1511-1574) qui fondera la première académie de dessin à Florence en 1563, l’Accademia dell’Arte del Disegno, constituera aussi la première collection de dessins, et aura à charge la construction des Offices abritant ce que l’on considère comme la première véritable galerie d’art.

Marie de Medicis (1575-1642), veuve du roi de France Henri IV s’aura s’entourer de grands artistes, et commandera entre autres, une série de tableaux pour le Palais du Luxembourg en l’honneur du mariage de l’une de ses filles, à Rubens, invité à sa cour pour l’occasion. Rubens est un peintre renommé dont Isabelle Claire Eugénie (1566-1633), co-souveraine des Pays-Bas méridionaux, offrira aussi les services à sa cour.

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Le cardinal de Joyeuse couronne Marie de Médicis en 1610 à St-Denis (détail), par Pierre-Paul Rubens, huile sur toile c1622-1625, Musée du Louvre(Public domain, via Wikimedia Commons)

Les « collections bourgeoises » des XVIe et XVIIe siècle

Œuvres de l’Antiquité et œuvres d’art moderne animent les acquisitions de ces « collectionneurs ». Les « acheteurs », eux, ont un goût plus prononcé pour les œuvres contemporaines qui se bousculent dans les expositions et les ventes aux enchères au cœur des Flandres et de l’Europe du Nord des XVIe et XVIIe siècle. Un monde « bourgeois » se réveille, les peintres s’affirment et s’affranchissent des commandes princières, les mécènes se font rares, et les tableaux trouvent acquéreurs même parmi les conditions les plus modestes.

Cette nouvelle mode gagne l’Europe entière. Les expositions publiques et les boutiques abondent à Rome et à Venise. Le XVIIe siècle voit émerger en France sous Louis XIV les premiers salons, et en Angleterre les premières ventes aux enchères.

Dans les pays protestants, la Réforme et la Contre-Réforme sonnent l’arrêt des commandes de l’Eglise au profit de ces « collections bourgeoises », tandis que les ordres religieux de l’Italie et d’autres pays catholiques renforcent le rôle du commanditaire qui appuie son autorité par un contrôle accru de l’iconographie et des peintres jusqu’à la censure.

Entre souveraineté et amateurisme…

Mais le XVIIe siècle, c’est aussi le grand mécénat des papes et des rois.

Les papes, fervents défenseurs de la tradition romaine, voient dans l’art un moyen de rehausser le prestige de la capitale du monde catholique. Urbain VIII (pape de 1623 à 1644) glorifiait la présence du cavalier Bernin, sculpteur, architecte et peintre convoité, sous son pontificat.

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Portrait de Louis XIV au pastel par Charles Le Brun, 2nde moitié du 17e siècle, Musée du Louvre (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Buste de Louis XIV par Le Bernin, marbre, 1665, Château de Versailles, salon de Diane(Coyau_Wikimedia Commons)

Les grands rois deviennent de grands rivaux de Rome, tel Louis XIV en France, Philippe IV en Espagne et Charles Ier en Angleterre. Sous le gouvernement de Colbert, ministre de Louis XIV, sera fondée l’Académie de France à Rome en 1666 ainsi que les premières manufactures royales. Le roi soleil parviendra même à faire venir Le Bernin à Paris avec le consentement d’Alexandre VII (pape de 1655 à 1667). L’art s’éprend alors d’une dimension politique et le dictat du « goût » est confié à Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi, qui répond aux exigences d’un monarque régnant en premier « dictateur » artistique.

Certaines familles patriciennes tenteront d’égaler le mécénat des souverains. Mais c’est un « amateurisme bourgeois » qui gagne Rome et d’autres grandes cités européennes. Citons en exemple Cassiano Del Pozzo, grand érudit italien, collectionneur et antiquaire à ses heures, et protecteur de Nicolas Poussin ; mais aussi Giulio Mancini, à la fois médecin, collectionneur, marchand d’art et écrivain italien laissant derrière lui nombre d’ouvrage sur les artistes contemporains ; ou encore Giovanni Pietro Bellori, archéologue, conservateur des Antiquités de Rome, historien, critique d’art et biographe, réputé notamment pour sa théorie du « Beau idéal ». Les marchands d’art se multiplient au service d’une peinture qui évolue. Les peintres rejettent les commandes officielles et se tournent vers les particuliers pour exprimer pleinement « la liberté de leur génie artistique », tel Nicolas Poussin ou Salvator Rosa.

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Portrait de Cassiano dal Pozzo par Jan van den Hoecke (1611-1651), huile sur toile, 1630-1650 (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Portrait de Giovanni Pietro Bellori par Carlo Maratta (1625-1713), huile sur toile, 17e s, Collection particulière (Public domain, via Wikimedia Commons)

Entre déclin et renouveau…

Le XVIIIe siècle observe le déclin du grand mécénat traditionnel au profit d’une mode nouvelle ou amateurs et curieux influencent un art plus sociétal qui s’éloigne des fastes de la cour officielle. Un « art moderne » voit le jour dans une esthétique qui convainc les artistes mais aussi les critiques et nouveaux acquéreurs amateurs. Parmi les mécènes de l’époque, les noms de Pierre Crozat et de Pierre-Jean Mariette, grands collectionneurs, ont marqué l’histoire au travers notamment de la publication de recueils de gravures réunissant les plus belles œuvres d’art et destinés à ce nouveau public éclairé.

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Portrait de Pierre-Jean Mariette, gravure de Augustin de Saint-Aubin, d'après le dessin de Charles Nicolas Cochin II, 1765, MET Museum DP828981 (CC0, via Wikimedia Commons)
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Portrait de Pierre Crozat par Rosalba Carriera (1675-1757), pastel, 18e s, Collection particulière (Public domain, via Wikimedia Commons)

Académies, instituts et musées se développent. Florence, Dresde et Cassel abritent désormais des musées nationaux et publics. Sous l’impulsion de la Révolution française, la reconnaissance de l’intérêt public des collections mène à l’institution du Louvre comme Muséum central des arts de la République en 1793. Les victoires de Napoléon enrichissent les collections françaises qui intègrent le musée central des Arts ou musée Napoléon. La Restauration dans cet élan voit naître la fondation de musées publics à vocation culturelle et éducative à travers toute l’Europe.

Cette nouvelle ère marquée par la crise de l’aristocratie notamment et l’importance des collections muséales, fait taire le mécénat des particuliers pour s’ouvrir à un mécénat du gouvernement et des instances publiques. L’Etat devient commanditaire et la commande essentiellement un moyen pour l’Etat d’appuyer son pouvoir et de glorifier son image, ce avec toutes les contraintes imposant la soumission de l’artiste créateur.

La révolution industrielle amène avec elle une certaine désillusion : l’œuvre d’art est industrialisée et perçue comme simple « objet reproductible et commercial » perdant de son utilité. Une rupture entre artiste et mécène se forme, laissant dire au peintre Gustave Courbet, figure de proue de l’artiste libre : « Je méprise les mécènes. ». Les artistes s’affirment et font polémiques, sont refusés des expositions officielles.

Après 1870 enfin renaît une forme de mécénat protecteur et soutenant avec en son cœur des marchands investis dans le devenir de leur artiste pour qui ils n’hésitent pas à prendre des risques. Paul Durand-Ruel a ainsi porté des peintres de l’Ecole de Barbizon et des impressionnistes, et Ambroise Vollard aura révélé entre autres Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent van Gogh et Henri Matisse.

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Paul Durand-Ruel dans sa galerie en 1910, Photographie de Paul Marsan dit Dornac, Archives départementales des Yvelines (Public domain, via Wikimedia Commons)
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Portrait d'Ambroise Vollard par Paul Cézanne, huile sur toile, 1899, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris (Public domain, via Wikimedia Commons)

Après la première Guerre Mondiale, l’art contemporain attise les foules et de grands mécènes collectionneurs réapparaissent. Ils feront dons de leurs imposantes collections d’art antique et moderne à l’Etat qui nourrira les musées publics. Les entreprises, flairant leur intérêt propre, ne tarderont pas à suivre l’exemple et à soutenir les arts qu’ils mettent en lien avec les nouvelles tendances du marché au travers de l’évolution des modes et des « goûts ».

Quelques grands mécènes à la confluence des XIXe et XXe siècles

Parmi les grands mécènes privés de l’époque, nous pouvons citer Ivan Abramovitch Morozov (1871-1921) et Sergueï Ivanovitch Chtchoukine (1854-1936). Ces russes amoureux de l’art et notamment de l’art français, grands collectionneurs d’œuvres impressionnistes et postimpressionnistes mais aussi issues des mouvements nabis, fauviste et cubiste, ont popularisé cet art avant-gardiste refusé par leurs contemporains français. La période mouvementée que connaissent les moscovites au début du XXe siècle les poussent à l’émigration, et leurs collections respectives sont confisquées par le gouvernement russe en 1918 et transformées en musées nationaux.

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Portrait d'Ivan Abramovitch Morozov devant une toile de Matisse acquise par lui en 1909 (Fruits et bronze), Tempera sur carton par Valentin Sérov (1865-1911), 1910, Galerie nationale Trétiakov à Moscou (dalbera, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons)
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Sergueï Ivanovitch Chtchoukine par Dimitri Melnikov, 1915 (Портрет работы Дмитрия Мельникова, Public domain, via Wikimedia Commons)

De son côté, Louisine Havemeyer (1855-1929), connue pour son féminisme et notamment son militantisme pour le droit de vote des femmes, initiée à l’art par nulle autre que la peintre américaine Mary Cassat, a fortement impulsé la montée de l’impressionnisme aux Etats-Unis. Nombreuses pièces de l’immense collection qu’elle aura bâtie d’abord seule puis avec son mari, seront léguées au Metropilitan Museum of Art (MET) de New York en 1929.

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Photographie de Marie-Louise Peyrat, la Marquise Arconeti-Visconti, dans les années 1900 (Unknown [beginning of 20th c.], Public domain, via Wikimedia Commons)
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Policier à Syracuse accueillant Mme Henry O. Havemeyer et Mlle Vida Milholland à l'arrivée du train du Prison Special en 1919 (photograph originally published in The Suffragist, 7, no. 12 [Mar. 22, 1919], Public domain, via Wikimedia Commons)

La Marquise Arconati-Visconti (1840-1923) influence considérablement le monde des arts et des lettres. Elle hérite de toute la fortune de son mari à la mort de celui-ci et commence alors une vaste collection d’un art qui se veut éclectique, épousant toutes les époques et origines, et qui nourrira plusieurs musées parisiens. Grande lettrée, elle défendra également la cause de la recherche universitaire et fera des dons à de nombreuses bibliothèques, grandes écoles et universités.

Le couple Cognacq-Jay, surtout célèbre pour leur philanthropie et leur grande action de solidarité sociale à la fin du XIXe siècle, se font aussi mécènes des arts à travers leur collections d’œuvres du XVIIIe siècle, exposées d’abord dans leur magasin de luxe parisien La Samaritaine dès 1925, puis déplacées au sein de l’Hôtel Donon en 1990 pour créer le musée Cognacq-Jay.

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Détail du portrait en pied de Marie-Louise Jay, 1903, huile sur toile par Jeanne-Madeleine Favier (1863-1904), Musée Cognac-Jay, Paris (Siren-Com, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons)
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Portrait d'Ernest Cognacq, huile sur toile de 1903 par Jeanne-Madeleine Favier (1863-1904), Musée Cognac-Jay, Paris (Public domain, via Wikimedia Commons)

Nélie Jacquemart-André (1841-1912), tout d’abord portraitiste renommée, développera une importante collection (débutée avec son défunt mari) d’œuvres d’art de tous horizons aux aléas de nombreux voyages à travers le monde. Elle lèguera tous ses biens à l’Institut de France qui transformera ses deux demeures à Paris et à Chaalis en musées Jacquemart-André.

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Nelie Jacquemart-André, Autoportrait, huile sur toile 1880, Musée Jacquemart-André (Public domain, via Wikimedia Commons)

Dans l’entre-deux guerres, l’engouement nouveau de mécènes américains pour la sauvegarde du patrimoine français émerge entre autres grâce à l’aide financière apportée par John D. Rockefeller Jr. (1874-1960) à la restauration du Château de Versailles en 1924. John D. Rockefeller Jr., philanthrope fortuné américain, déclarera ainsi son amour de la France et de son art en contribuant aussi à la restauration du Château de Fontainebleau et de la Cathédrale de Reims. Il influencera par son action bon nombre de mécènes privés étrangers à s’investir dans la sauvegarde du patrimoine français et européen.

Les mécènes d’aujourd’hui en France…

« Mécénat : Soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général »

(définition juridique actuelle, culture.gouv.fr)

« Mécénat : Soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général »

(définition juridique actuelle, culture.gouv.fr)

La notion de mécénat largement diffusée comme un soutien financier à un artiste rendait ce dernier dépendant de son mécène et protecteur. Aujourd’hui, l’on considère plutôt que l’artiste n’est plus au service de son donateur mais au service de l’Art lui-même. Pour reprendre Kandinsky dans son ouvrage Du Spirituel dans l’Art de 1910, l’art est vu comme une « nécessité intérieure », une activité vocationnelle où création et expression sont nécessaires.

Le mécénat aujourd’hui peut prendre la forme d’un mécénat dit « financier » mais aussi « en nature » ou « de compétence », où dons monétaires, dons de locaux ou de matériaux et dons d’un savoir-faire particuliers se complètent. On peut également distinguer plusieurs types de bénéficiaires du mécénat : le mécénat de production (favorise la création des artistes), le mécénat patrimonial de conservation (pour la sauvegarde d’un monument historique), le mécénat patrimonial de collections (pour l’enrichissement d’un musée) et le mécénat d’animation (pour l’organisation de spectacles, d’expositions…).

L’Etat n’est pas mécène à proprement dit mais soutient le mécénat. En ce qui le concerne, on parlera plutôt de subventions, d’aides, de bourses… Dès la seconde moitié du XXe siècle, ses actions s’orientent en faveur de l’aide à la création et de l’enrichissement des collections nationales, et en faveur de la culture dont il facilite l’accès au plus grand nombre : dans cette perspective on peut tout de même parler de « mécénat culturel d’Etat » particulièrement présent depuis les années 1960 avec les ministères Malraux puis Lang.

Les « vrais mécènes » s’organisent alors autour des personnes morales (entreprises, fondations, associations…) et des particuliers (riches amateurs d’art et grands collectionneurs, très présents dans le modèle américain).

Mais les particuliers peuvent aussi, par leur implication, participer à la promotion d’un artiste ou à la sauvegarde d’un monument ou d’une œuvre. Ils agissent souvent par passion eu égard à leur condition financière parfois modeste.

La législation du mécénat artistique a beaucoup évolué depuis le milieu du XXe siècle pour se conclure par la loi Aillagon de 2003 et ces avancées successives. En plus de clarifier la définition du mécénat, ces nouvelles lois améliorent dans certains cas son régime fiscal et permet notamment aux mécènes privés une réduction de leur impôt en fonction du montant de leurs dons établis auprès d’organismes d’Intérêt Général uniquement. Si les donateurs et les causes ne peuvent pas tous être concernés par ce « régime mécénat », tous bénéficient, et surtout les entreprises, d’une revalorisation de leur image.

Quelques exemples…

Marguerite « Peggy » Guggenheim (1898-1979) est l’une des plus grandes mécènes et collectionneuses d’art moderne du XXe siècle. Femme autodidacte et indépendante, elle est connue pour avoir défendu nombre d’artistes alors méconnus dans sa galerie Guggenheim Jeune ouverte à Londres en 1938, et pour l’ouverture du musée Peggy Guggenheim à Venise en 1952 exposant toute sa collection.

Les Rothschild, ancienne et riche famille européenne de grande renommée, a fait don depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours de près de 120000 œuvres d’art à différentes institutions dont Le Louvre et la Bibliothèque Nationale de France, riches de leurs importantes et éclectiques collections (dessins, peintures, sculptures, bijoux, mobiliers, arts décoratifs…).

La Sauvegarde de l’Art Français, fondation abritante créé en 1921 par Édouard Mortier (duc de Trévise, 1883-1946), et la Fondation du patrimoine, organisation privée créé en 1996, toutes d’eux non lucratives et reconnues d’utilité publique, agissent en faveur de la préservation et la valorisation du patrimoine immobilier et mobilier français principalement non protégés au titre des monuments historiques, grâce notamment au mécénat, à des subventions publiques et au financement participatif.

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Photographie de Peggy Guggenheim en 1937 (archives familiales, CC BY-SA 4.0 httpscreativecommons.orglicensesby-sa4.0, via Wikimedia Commons)

Plus récemment, Bernard Arnault inaugure en 2014 la Fondation Louis Vuitton qui met en scène, au travers d’expositions éphémères, de grandes figures de l’art moderne ainsi que de l’art actuel mondial.

L’A.D.M.I.C.A.L., association reconnue d’utilité publique créée en 1979 par Jacques Rigaud promeut le mécénat d’entreprises au profit de la culture d’abord mais aussi de l’action humanitaire, de la solidarité et de l’environnement.

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon de son côté a pu accueillir en 2007 dans ses collections un tableau de Poussin, La Fuite en Egypte, grâce à l’aide entre autres de 18 mécènes pour un montant de 17 millions d’euros, et en 2016, l’Homme au béret noir tenant une paire de gants de Corneille de Lyon (c. 1530), avec le concours des mécènes du Cercle Poussin et cette fois d’une souscription publique de plus de 1300 donateurs.

Les campagnes de restaurations se font également participatives et interactives : au Musée des Beaux-Arts de Lyon toujours, en 2018, a été lancé un appel aux dons auprès des visiteurs moyennant le coût d’un euro supplémentaire au billet d’entrée afin de soutenir le projet de restauration de l’extérieur du sarcophage égyptien d’Isetenkheb (c. 664-500 av JC).

Notre association Muses & A.R.T., de Loi 1901 et à but non lucratif, œuvre à la sauvegarde du patrimoine peint en péril par le biais de campagnes bénévoles de conservation-restauration. Elle a su s’entourer de mécènes privés, particuliers, amateurs et entreprises anonymes, qui ont par leur soutien financier et leurs dons de compétence, contribué jusqu’alors à la restauration et la préservation de plusieurs œuvres peintes pour le plus grand bonheur de leurs détenteurs et du public.

En conclusion...

Là se conclut notre « brève » et non exhaustive (et quelque peu arbitraire) histoire du mécénat d’art.

L’organisation sociale et économique de chaque époque a dessiné les contours d’un mécénat qui n’a eu de cesse d’évoluer tout en maintenant sa vocation première « de soutien et de dons sans contreparties directes et immédiates ». Le mécène se voit cependant souvent doté de récompenses indirectes non matérielles telles gloire, prestige, renom, honneur, confiance…

Entre noble soutien d’un bienfaiteur, et arme de propagande politique, le mécénat d’art a laissé son empreinte dans l’histoire de l’art telle qu’on la connaît aujourd’hui, et l’histoire du monde aussi.

Sur le devant de la scène artistique, Artistes et Mécènes se donnent la réplique, l’un ayant besoin de l’autre pour s’exprimer pleinement.

Le mécène, parfois simple donateur, et souvent acheteur ou collectionneur, influence considérablement la production artistique de son temps de par ses propres choix subjectifs. Est promulguée au rang d’œuvre d’art et reléguée au souvenir et à l’Histoire, l’œuvre, l’objet, dont la création d’abord artisanale ou artistique devient hautement symbolique d’un certain pouvoir et d’une représentation du « Beau » selon les préférences de son mécène. Les « goûts et les couleurs » d’un seul individu peuvent ainsi orienter l’œuvre artistique de toute une époque.

« Combien d’artistes (et de génies parfois) ont pu s’épanouir et ou être préservés de l’oubli grâce au mécénat ! Entre l’artiste accaparé par sa création, ou le chercheur qui ne vit que pour sa recherche, et le reste du monde, il faut presque toujours un intermédiaire, que ce soit l’État, une entreprise ou tout simplement une personne. Le mécénat, c’est la rencontre de deux mondes qui souvent s’ignorent, parfois s’attirent et se repoussent en même temps, simplement parce qu’ils ont du mal à se comprendre ; c’est un partenariat : deux partenaires qui cheminent un certain temps côte à côte et vont s’enrichir de leurs mutuelles différences. »

(Debiesse François, Le mécénat, Paris, « Que sais-je ? », 2007 (p.12))

« Combien d’artistes (et de génies parfois) ont pu s’épanouir et ou être préservés de l’oubli grâce au mécénat ! Entre l’artiste accaparé par sa création, ou le chercheur qui ne vit que pour sa recherche, et le reste du monde, il faut presque toujours un intermédiaire, que ce soit l’État, une entreprise ou tout simplement une personne. Le mécénat, c’est la rencontre de deux mondes qui souvent s’ignorent, parfois s’attirent et se repoussent en même temps, simplement parce qu’ils ont du mal à se comprendre ; c’est un partenariat : deux partenaires qui cheminent un certain temps côte à côte et vont s’enrichir de leurs mutuelles différences. »

(Debiesse François, Le mécénat, Paris, « Que sais-je ? », 2007 (p.12))

Sources

Bibliographie

  • François Debiesse, Le mécénat, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 2007
  • Michael Baxandall, L’œil du Quattrocento, l’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Editions Gallimard, 2020 (réed.)

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