Regards sur...
Interventions de Conservation et de Restauration sur la Vierge à l’Enfant, Icône avec riza en métal estampé, appartenant aux collections du Musée de Notre-Dame de Marceille à Limoux
Notre association a été sollicitée début janvier 2020 par Monsieur Gaël Favier, conservateur des musées du Diocèse de Carcassonne pour intervenir sur cette Icône en très grand péril.
L’oeuvre enfin restaurée a retrouvé son foyer au sein du musée des ex-voto de Notre Dame de Marceille (Limoux) le samedi 17 septembre 2022 en présence de Mgr Planet. Vous pouvez désormais venir l’admirer !
Cette Vierge à l’Enfant est peinte à tempéra sur bois tendre et protégée par une riza composée d’une draperie en métal estampé qui ne laisse apparaître que les mains et visages peints. Elle avait été offerte en 1862 à Notre-Dame de Marceille par la comtesse de Chambord à l’occasion de la fête du 14 septembre qui rend hommage à la croix du Christ.
L’icône très endommagée présentait des altérations d’adhésion et de cohésion importantes nécessitant des mesures conservatoires urgentes. La matière picturale n’était plus solidaire de son support, des écailles s’étaient déplacées sous la riza. Victime d’attaques de micro-organismes et d’insectes xylophages sur la peinture et son support, l’œuvre était partiellement détruite. Le terme d’œuvre en péril nous semblait presque léger !
Nos restauratrices professionnelles bénévoles ont engagé plus de 250 heures de travail de conservation-restauration sur cette œuvre en grand péril. Le travail a été complexe mais quel bonheur d’avoir mis en lumière ce trésor cher au cœur des Limouxins !
Nous remercions M. Gaël Favier, conservateur des musées du diocèse de Carcassonne, et l’association des amis de Notre-Dame de Marceille pour leur confiance.
FICHE D’IDENTITE
Objet : Icône
Sujet : Vierge à l’Enfant
Technique : Tempera (œuf)
Nature du support : Bois tendre
Signature : non signé
Époque : XIXème siècle
Dimensions avec cadre : 53 x 33 x 8 cm
Anciennes interventions de Restauration : Non
Lieu de conservation : Musée de la Basilique de Notre-Dame de Marceille (Limoux)
Date d’examen : 06 mars 2020
Altérations constatées
- Cadre encrassé et endommagé
- Oxydation de la riza et de ses nombreux clous de fixation
- Attaques de micro-organismes sur la couche picturale (champignons)
- Attaques d’insectes xylophages
- Support bois fragilisé par de nombreuses galeries de vers et trous d’envol
- Soulèvements de couche picturale généralisés en toit avec importantes pertes de matière
- Levka désagrégée
- Couche picturale fragmentée, avec déplacements et superpositions d’écailles
- Lacunes de couche picturale
- Amas de poussières et encrassement de surface de la couche picturale avec perte de lisibilité
Déroulement des Travaux
L’icône est arrivée à l’atelier protégée par un verre dans une boite en bois encadrée de baguettes en métal orné. On pouvait déjà constater la présence de champignons, de soulèvements de couche picturale sur les visages ainsi qu’une zone lacunaire importante sur la tempe de la vierge.
Le retrait de la boite en bois qui la contenait et de la riza nous a permis de constater l’ampleur des dégâts. Dessous, la couche picturale nous est apparue complètement morcelée, de grosses écailles s’étaient détachées du support bois et accumulées de façon aléatoire sous la riza créant des zones lacunaires très importantes. Les fragments encrassés étaient aussi recouverts d’amas de champignons et de résidus de levka (préparation entre la couche colorée et le support bois, composée de colle animale et de carbonate de calcium). L’ensemble était extrêmement endommagé et peu lisible.
Un protocole précis a été élaboré d’après ce constat et les opérations de conservation curative ont été conduites en priorité. Ces opérations sont indispensables à la pérennité de l’œuvre. Tout d’abord, il a fallu procéder au retrait chimique et mécanique des micro-organismes qui recouvraient la couche picturale. Les morceaux épars et superposés de couche picturale ont été nettoyés superficiellement à l’aide d’un faible dosage de T.A.C. (Triamonniumcitrate), mais aussi mécaniquement à l’aide de pinceaux et de plumes, ce afin de retrouver une certaine lisibilité et de correctement trier et repositionner les écailles sur le support bois en suivant la logique du dessin de la Vierge à l’Enfant et de sa riza. Le traitement antifongique puis insecticide de la peinture et de son support a suivi afin d’éviter toute récidive d’infestations. Les galeries et trous d’envol du support bois fragilisé ont ensuite été comblés par de la résine acrylique. Enfin, le refixage de la peinture sur son support a pu être opéré à l’aide de colle de poisson injectée par l’avant et de pose de poids afin de préserver l’ensemble de l’œuvre restituée. Cette opération s’est avérée longue et délicate car la couche picturale était extrêmement poreuse et cassante, mais le résultat obtenu fut très satisfaisant, la peinture avait retrouvé adhérence et unité visuelle.
Les opérations de conservation terminées, l’allègement des crasses de la couche picturale enfin stabilisée a pu être approfondi au T.A.C.. La dorure de la couronne nouvellement découverte a été correctement nettoyée et mise en valeur à l’aide d’un produit dédié pour redonner une meilleure lecture au sujet. Les nombreuses lacunes de couche picturale ont ensuite été comblées et mises à niveau par l’apport d’un gesso blanc à base de colle de poisson afin de restituer une unité à l’ensemble. La réintégration colorée à base de B72, résine acrylique stable et réversible, a été effectuée en deux temps : une teinte neutre a été apposée sur le fond caché par la riza et des retouches illusionnistes ont été réalisées sur les parties restant visibles. De cette manière, l’étendue des lacunes et les interventions de restauration sont discernables sous la riza, mais les quelques lacunes des visages de la Vierge et de l’Enfant ainsi que celles des mains visibles à travers la riza gagnent en lisibilité. La lecture de l’œuvre est privilégiée.
L’application d’un vernis final protecteur est venu clore notre intervention, avant de repositionner la riza nettoyée sur la surface picturale et de refixer l’ensemble sous vitre dans la boite-cadre.
Démarrée au printemps 2020, la restauration de l’œuvre s’est achevée en septembre 2022.
Elle a nécessité plus de 250 heures de travail.